Noël. Repas de famille. Vapeurs d'alcool et confidences.
- Tu sais, au début je pensais vraiment que c'était un mariage arrangé. Bon, quand j'ai vu que vous aviez un bébé, j'ai vu que vous êtes une vraie famille.
- Un mariage arrangé ? Un mariage blanc, tu veux dire ?
- Oui, un arrangement financier. Un truc pour que tu paies moins d'impôts, quelque chose du genre.
- Ben non, je suis toujours aussi pauvre.
- Mmh ?
- Ben si il m'avait payée pour l'épouser, je me serais enrichie, non ?
Je ne lui en tiens pas rigueur. ça me touche plutôt, comme un gage de confiance. Il y a du courage à avouer en direct qu'on a pensé quelque chose d'assez moche.
J'en fais mention parce que ça m'étonne, cet aveuglement. Ce raisonnement en zigzag. En Suisse, jusqu'à l'heure actuelle, on paie plus d'impôts quand on est marié, pas moins. Et moi, cataloguée (extrême) gauche, je serais soudain si effrayée par l'impôt que j'organiserais tout un stratagème pour contourner le fisc ? Mais je gagnais même pas assez pour en payer, moi, des impôts !
Combien de temps cela a-t-il duré, cet absurde soupçon ? Combien de Noëls ? Combien d'évidences pour que la conclusion logique en découle ? Quelques baisers passionnés en public auraient-ils accéléré le processus ?
Et si nous nous étions séparés ? Et si nous n'avions pas eu d'enfant ?
Il n'est pas méchant, il n'est pas bête. Intoxiqué par la maladie du soupçon.
La difficulté avec la théorie du complot, c'est qu'il est impossible d'en démontrer raisonnablement l'inexistence. Si je dis "il n'y a pas de complot", c'est que j'en fais moi-même partie, c'est une preuve supplémentaire de son étendue et de sa dangerosité.
Il n'y a pas de preuve d'amour. On ne prouve pas à l'autre son amour, pas à jamais. S'efforcer de le prouver, c'est à coup sûr le perdre. On ne le prouve pas à l'autre, on ne le prouve pas à sa famille non plus. On ne peut que jouer à la comédie de l'amour. Qu'est-ce que ma famille voudrait que je fasse pour qu'elle soit rassurée quant à la véracité de notre amour ? Des baisers passionnés ? Un air joyeux en permanence ? Difficile dans ces conditions de rester authentique. Prouver à sa famille qu'on s'aime, voilà une quête qui a bien des chances de rester sans fin et d'éteindre des flammes qui pourtant étincelaient.
Le soupçon est une maladie. Il s'alimente de lui-même. Rien ne l'apaise.
Deux conclusions dès lors :
- vivons pour nous ce bonheur fragile
- n'oublions pas que le concept même de mariage blanc est empoisonné en son coeur par cette logique du soupçon
Sur ce, BONNE ANNEE 2007 !